Magda HNYDA : d’un village de Galicie à un village dans le Pas-de-Calais

Magdalena HNYDA est née le 30 novembre 1920 à Kolbajowice, petit village de Galicie orientale, à 40 km au sud-ouest de Lviv. La région, aujourd’hui ukrainienne, était  alors intégrée dans l’état polonais, ce qu’acceptait d’ailleurs assez mal la population rurale, en majorité ukrainienne et de religion gréco-catholique.  L’époque, au sortir de la première guerre, est alors très troublée.

© René LESAGE. La maison natale de Magdalena HNYDA à Kolbajowice

Les parents de Magda sont de modestes et besogneux cultivateurs. Le père, Feodor, ancien combattant dans l’armée austro-hongroise, a épousé Maria MAKAR, une veuve de guerre, mais il meurt bientôt, sans doute suite à ses blessures contractées durant le conflit. La mère convole en troisième noce avec un Polonais. De ses trois unions, six enfants naîtront.

La vie est difficile pour les paysans dans une Galicie qui suinte la misère. La jeune Magda fréquente certes l’école de son village, mais dès l’age de sept ans, elle travaille dans l’exploitation familiale. Elle entre en condition, alors qu’elle a douze ans, chez un paysan du village voisin. A dix-huit ans, c’est à un autre choix qu’elle se trouve confrontée, celui de l’émigration. Dans la misère ambiante, il faut que s’en aille quelqu’un de la famille et le village a connu depuis plus de vingt ans de nombreux départs. Avant guerre, on partait vers le nouveau monde ; aujourd’hui, c’est surtout la France qui se montre accueillante.

© René LESAGE. Catherine, Anna, Magda vers 1935 à Kolbajowice.
Le neveu  Ivan arbore les couleurs ukrainiennes.
Les années trente connurent une grande fermentation nationale en Galicie

Une cousine, Julia, migrée dans le canton de Fruges dans le Pas-de-Calais, a facilité les démarches, trouvé un cultivateur en mal de bonne de ferme. Un contrat d’embauche peut être signé et un petit matin d’octobre 1938, Magda quitte son village, prend le train à la gare voisine de Rudki. Peut-elle s’imaginer que ce départ est définitif ? Elle arrive quatre  jours plus tard, après un voyage plutôt éprouvant,  en gare d’Hesdin où l’attend son employeur, un cultivateur de Créquy qui s’est engagé à la loger, à la nourrir et lui verser un salaire mensuel de 245 Francs.

Dans cette famille, elle a en charge les enfants et les vaches. Elle est très appréciée dans son travail et la patronne se mue en véritable institutrice pour lui inculquer des notions solides de français, mâtinées, n’en doutons pas, de nombreuses expressions picardes. La jeune Galicienne finit par bien maîtriser la langue. Néanmoins, le travail est difficile dans une ferme où elle se trouve contrainte de soigner les chevaux et, deux ans plus tard,  Madga trouve un autre emploi à Sains-lès-Fressin.

L’isolement relatif dans lequel elle se trouve, loin des siens, est tempéré toutefois par la communauté polono-galicienne assez fournie dans le secteur, qui compte d’ailleurs plusieurs ressortissants de Kolbajowice, tous plus ou moins apparentés.  On se réunit de temps à autre  à Fruges quand un curé de la mission catholique polonaise vient officier pour une messe dominicale. On se réunit aussi lors des mariages des cousins. C’est au cours de l’un d’eux  que Madga rencontre Albert, un ouvrier agricole qui lui plaît et qu’elle épouse en avril 1942. C’est la guerre et la vie n’est pas toujours facile, d’autant plus que la jeune épousée s’afflige assez vite de la mort d’une première fille et du départ forcé de son mari, astreint au STO. Les nouvelles venues de Galicie, occupée par les Soviétiques puis par les Allemands,  ne sont pas bonnes : elle apprend la mort de son jeune frère Jean, tué par les Russes en 1940.

1945 ramène la paix et son époux. Le couple vit à Créquy, où l’homme est ouvrier agricole et deviendra, par passion, le dernier fabricant de louches et de robinets de la commune. Magda, mère de trois enfants, est active dans maison familiale. Elle s’occupe  avec beaucoup de bonheur du ménage ordinaire, de la basse-cour et du jardin. Elle est naturalisée Française en 1958 et s’est parfaitement intégrée à la communauté villageoise.

© René LESAGE. La mère, Maria Makar, et la nièce Maria.
Photo reçue dans les années cinquante

Entre temps, la Galicie orientale est devenue soviétique et les nouvelles sont rares. Une correspondance épisodique s’installe : arrivent ainsi quelques photos qui font état des naissances, des mariages, des décès – en 1974 meurt la mère –  qui se produisent dans une famille devenue lointaine. Les liens avec les ressortissants de la communauté galicienne restée en France, avec les cousins installés dans le Loir-et-Cher, se maintiennent tant bien que mal.

1989 est une grande année, perestroïka oblige : deux nièces de Magda viennent en France pour la première fois de leur vie et l’année suivante,  c’est la sœur Catherine qui arrive : l’émotion des retrouvailles fut forte après un demi-siècle de séparation.  Depuis ce temps, les contacts sont devenus très réguliers.

© René LESAGE. Madga, son mari, et ses deux nièces venues d’Ukraine en 1989, Anna et Maria

Magda est décédée le 18 juillet 2002 : elle repose auprès de son mari dans le cimetière de Créquy dans le Pas-de-Calais. Sa vie fut bien accomplie.

René LESAGE
Historien. Beau fils de Magdalena HNYDA

Site de René Lesage : http://www.eneregasel.com/
Site de René Lesage consacré au village de Kolbajowice : http://51958132.fr.strato-hosting.eu/kolbajowice/index.htm