De l’Ukraine à la France, les 94 Noëls d’Ekaterina

Cet article retrace la vie de Ekaterina Fiodrovna SCHECHALI né en 1923 près de la mer d’Azov en Ukraine et revient sur les épreuves qu’elle a traversé. Article publié le 15/12/2017 dans La Dépêche du Midi


Katia BENICHE, une femme remarquable qui a traversé des épreuves terribles.
Pour le Noël des familles, elle était entourée des ses cinq enfants ©Photo BG

Le Noël des familles est un moment incontournable, à La Maison Saint-Martin. La salle à manger prend des airs de fête pour la réunion des proches autour des résidents. Un orchestre de variétés agrémente le repas où l’omelette norvégienne maison est la reine des desserts.

Ce fut l’occasion de rencontrer Katia BENICHE qui habite l’EHPAD depuis 1 ans. Ekaterina Fiodrovna SCHECHALI, de son nom de naissance, est née dans un village d’Ukraine, près de la mer d’Azov, en 1923. Sa vie est un roman. Elle a bien voulu nous en raconter un épisode avec la rigueur et la précision que ses 94 printemps n’oblitèrent pas. Elle voulait être chirurgienne : l’intelligence et la volonté que révèle son regard auraient sans doute abouti si la guerre n’avait balayé son projet.

En 1941, l’Europe était à feu et à sang. Les armées nazies avaient envahi l’Ukraine, alors République de l’URSS, et les jeunes gens ont été enrôlés de force pour alimenter les armées allemandes en armement. A 18 ans, elle s’est retrouvée à Wittenberg, dans un camp de travail, à fabriquer des obus. C’est là qu’elle a rencontré Jean BENDICHE, Français, affecté au Service du Travail Obligatoire (STO). Au cours de promenades dans le camp, les liens se sont noués et Katia s’est retrouvée enceinte. Sur les injonctions de son ami, elle a refusé l’avortement qu’on voulait lui imposer. Son fils, Michel est né le 1er janvier 1945, dans des conditions inimaginables. Elle continuait à travailler et devait le laisser seul pendant qu’elle rejoignait l’usine, ne sortant que toutes les quatre heures pour l’allaiter.

Lorsque les armées russes et américaines ont envahi l’Allemagne vaincue, les Allemands ne se sont plus montrés, les prisonniers se sont échappés. Avec Jean et l’enfant, ils ont passé l’Elbe pour prendre un train jusqu’à Lille. Sur le trajet, lorsque le train s’arrêtait, son compagnon cherchait des branchages pour allumer un feu et chauffer l’eau du biberon, mais maintes fois l’eau n’avait pas le temps de bouillir. Elle raconte : «Arrivés à Lille, Jean est parti à Paris chercher pour moi l’autorisation de rester en France car j’étais Russe pour l’administration française. Il est revenu pour nous emmener, lui, au contraire de quelques autres qui sont partis à Paris, mais ont laissé leur compagne et leur gamin, en plan, à Lille. Nous sommes partis vers le sud. Moi, je ne parlais pas un mot de français, j’étais comme un bébé. Plus tard, je suis allée au consulat d’URSS et j’ai pu revenir 2 fois en Ukraine où la réception des habitants du village m’a fait chaud au cœur. Mais j’avais fait ma vie en France où nous avons eu cinq autres enfants.»

Article publié le 15/12/2017 dans La Dépêche du Midi